La question du passé colonial et de la décolonisation de l’espace public à Etterbeek continue d’alimenter le débat, suscitant des discussions au sein de la société. Depuis plus d’une décennie, Le Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations, ainsi que d’autres acteur·rice·s engagé·e·s dans ce processus, ont été à l’avant-garde de cette problématique importante.
Début octobre, après un an et demi de travaux au sein d’une commission mixte, la Commune d’Etterbeek a déclaré vouloir privilégier la contextualisation comme solution de décolonisation de son espace public (1).
Il est essentiel de rappeler que lorsque ces acteur·rice·s ont débuté le traitement de cette problématique il y a dix ans, les réactions institutionnelles allaient de la minimisation à la négation. Après plus de dix ans d’une mobilisation qui a réussi à provoquer une mise en débat public, nous constatons que les réfractaires d’hier tentent aujourd’hui de se positionner en défenseurs “modérés” de la décolonisation de l’espace public, présentant la contextualisation comme seule et unique solution.
Derrière cette apparence modérée se cache en réalité la volonté d’un statu quo de l’espace public colonial accompagné de modifications a minima de celui-ci, et dont l’impact sur le changement de perception du fait colonial n’est pas garanti. Par exemple, des rues portent le nom de figures coloniales telles que le commandant Lothaire, dont les actes abjects et inhumains à l’encontre des populations du Congo sont aussi abjects qu’inhumains: torture, trafic d’enfants, pendaison, crucifixion de femmes et de bébés, enterrement de personnes encore vivantes, … (2) (3)
Des actes d’une telle cruauté et barbarie ne peuvent en aucun cas être “contextualisés” par une quelconque plaque explicative.
En réalité, ce que certain·es présentent comme une position modérée n’est que la concession du minimum exigé par les associations engagées dans la décolonisation de l’espace public. L’idée de faire de la contextualisation la finalité dans le processus de démantèlement de l’apologie du crime colonial est au mieux une méprise, au pire un mépris des revendications et du travail en profondeur qui a été accompli. Peu ou prou, la contextualisation comme seule solution apparaît, par rapport à la décolonisation, ce que les indépendances nominales ont été par rapport aux revendications de souveraineté des peuples colonisés dans les années 60 : un leurre.
Dans une société aux valeurs démocratiques, la déshumanisation et l’exploitation de son semblable ne peuvent qu’être dénoncés sans équivoque. La dénonciation du fait colonial aujourd’hui, en ce compris son expression dans l’espace public, répond à cette affirmation.
L’espace public colonial est vaste et diversifié, reflétant les multiples facettes de l’histoire coloniale belge. Par conséquent, il est impératif d’adopter une approche à la fois générale et au cas par cas pour traiter ces questions complexes. Dès lors, des critères généraux doivent être établis pour guider le processus de décolonisation de l’espace public dont la contextualisation n’est qu’un des moyens. Les spécificités de chaque situation doivent donc être prises en compte. Par exemple, la rue commandant Lothaire doit être débaptisée au profit d’un nom porteur de représentations positives en adéquation avec les valeurs de toute société démocratique et humaniste.
En définitive, la décolonisation de l’espace public à Etterbeek (et ailleurs) demande de la part des responsables politiques et des acteurs de terrain qu’une approche réfléchie, objective et plurielle soit appliquée. La contextualisation est une des pistes devant être prise pour ce qu’elle est : une solution parmi d’autres de décolonisation de l’espace public et non un paravent dont on se servirait pour éviter d’aborder la colonialité de l’espace public dans son intégralité.
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(2) http://www.cadtm.org/IMG/pdf/050604-Guy_de_Boeck-Anversoise.pdf
(3) https://radiohist.be/data/Les_Heritiers_de_Leopold_II_Partie_I_Le.pdf
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